Le projet Everest lancé par EY (Ernst & Young), l’un des plus grands cabinets d’audit et de conseil au monde, devait marquer un tournant historique : la scission complète de ses activités d’audit d’une part, et de conseil de l’autre. Cette initiative ambitieuse répondait à une pression croissante des régulateurs, soucieux des conflits d’intérêts persistants dans le secteur. Mais contre toute attente, cette séparation annoncée avec fracas s’est soldée par un échec.
Pourquoi EY a-t-il échoué là où tant voyaient un modèle pour l’avenir ? Quelles leçons en tirer pour les Big Four et les professionnels du secteur ? Dans cet article complet, nous analysons en profondeur les dessous du projet Everest, les causes de sa chute, et les implications pour l’écosystème audit-conseil mondial.
Le projet Everest : une tentative de scission historique
EY avait imaginé un bouleversement sans précédent dans le monde des services professionnels. Baptisé « Everest », ce projet de séparation structurée visait à créer deux entités distinctes pour mieux répondre aux exigences réglementaires et renforcer la confiance du marché.
Les origines du projet Everest chez EY
L’idée de séparer l’audit du conseil n’est pas nouvelle. Depuis les scandales d’Enron et la disparition d’Arthur Andersen, les conflits d’intérêts au sein des cabinets multidisciplinaires sont sous surveillance. EY, pour se démarquer et anticiper de potentielles régulations plus strictes, a donc décidé de devancer ses concurrents.

Objectifs stratégiques de la séparation audit/consulting
Le cœur du projet reposait sur un principe fort : l’indépendance. En séparant les activités, EY espérait à la fois répondre aux attentes des régulateurs et valoriser différemment ses entités. D’un côté, un cabinet d’audit pur, axé sur la rigueur et la transparence ; de l’autre, une société de conseil dynamique et agile.
Les promesses d’EY : transparence, indépendance et croissance
EY affirmait que cette séparation permettrait une croissance plus rapide des services de conseil, libérés des contraintes réglementaires liées à l’audit. Elle offrait aussi, selon les dirigeants, une meilleure transparence pour les clients et investisseurs.
Le rôle des régulateurs et de la pression concurrentielle
Les régulateurs du Royaume-Uni, des États-Unis ou encore de l’UE ont largement contribué à faire émerger l’idée d’une scission. EY souhaitait prendre les devants avant qu’une séparation ne soit imposée par voie légale, comme cela a été évoqué dans certains pays.
Pourquoi la séparation EY a échoué
Malgré l’enthousiasme initial et la médiatisation du projet, Everest n’a jamais atteint son sommet. Retour sur les raisons d’un échec retentissant.
Problèmes internes et désaccords entre les dirigeants
La scission nécessitait l’adhésion totale des associés EY dans le monde entier. Or, des divisions profondes sont apparues, notamment entre les responsables des activités d’audit et de conseil. Chacun craignait une perte de pouvoir ou de rentabilité.
Opposition des associés à l’international
Dans des pays clés comme les États-Unis ou la Chine, les associés ont exprimé leur mécontentement, mettant en cause les conditions de la séparation et le manque de visibilité sur la nouvelle gouvernance.
Enjeux financiers : valorisation, conflits d’intérêts et rémunérations
Le partage des actifs, les droits sur la marque EY, les rémunérations différées : autant de sujets qui ont généré des tensions. De nombreux associés redoutaient une perte de revenus dans l’une ou l’autre des entités.
La complexité juridique et organisationnelle
Créer deux entités juridiques distinctes impliquait un chantier colossal : réorganiser les contrats clients, les ressources humaines, les licences logicielles, les entités locales dans plus de 150 pays… Un défi logistique et réglementaire presque ingérable.
Chronologie de l’abandon du projet Everest
Le projet a officiellement été mis en pause début 2023, puis discrètement abandonné quelques mois plus tard. EY a confirmé que le consensus n’avait pas pu être trouvé, actant l’échec d’une opération présentée initialement comme “incontournable”.
Impacts de l’échec du projet sur EY et le secteur
L’arrêt d’Everest ne s’est pas fait sans conséquences, tant pour EY que pour l’ensemble du marché des services professionnels.
Conséquences pour les équipes audit et conseil
Les collaborateurs ont été plongés dans l’incertitude pendant des mois. Certains projets de mobilité ou de recrutement ont été gelés, dans l’attente de décisions stratégiques. L’impact sur la motivation interne a été notable.
Réactions des clients et des partenaires
Côté clients, des interrogations ont émergé : EY allait-il continuer à proposer une offre intégrée ? Fallait-il craindre des ruptures dans la continuité de service ? Certains grands comptes auraient même envisagé de diversifier leurs fournisseurs.
Répercussions sur l’image de marque d’EY
L’annonce d’un projet révolutionnaire suivi d’un abandon brutal a fragilisé la crédibilité d’EY. Certains y voient une démonstration d’instabilité stratégique, voire un aveu d’échec dans la gouvernance globale du cabinet.
Quel avenir pour les Big Four ?
Deloitte, KPMG et PwC ont suivi le dossier de près. Si l’échec d’EY les conforte dans leur stratégie de prudence, la pression réglementaire reste intacte. Le débat sur la séparation audit-conseil ne fait que commencer.
La séparation audit-conseil est-elle encore possible ?
Malgré l’échec d’Everest, le sujet reste d’actualité. Des signaux montrent que la réflexion est loin d’être abandonnée.
Les précédents dans le secteur
PwC avait déjà séparé ses activités de conseil dans les années 2000, avant de les réintégrer en 2014. KPMG et Deloitte ont également connu des tentatives de scission partielle. Aucun modèle n’a encore fait l’unanimité.
Enjeux réglementaires et pression des autorités
Les régulateurs continuent de dénoncer les conflits d’intérêts structurels dans les cabinets multidisciplinaires. Plusieurs pays envisagent des lois imposant la séparation ou, au minimum, un renforcement des cloisonnements internes.
Qu’en pensent les autres Big Four ?
Officiellement, les autres géants du secteur restent prudents. Officieusement, Everest a mis en lumière la complexité du sujet. Toutefois, certains envisagent des modèles hybrides, avec des gouvernances plus distinctes selon les activités.
Alternatives à la séparation : gouvernance, transparence, muraille de Chine
Au lieu d’une scission radicale, certaines solutions internes sont explorées : création de divisions autonomes, interdiction de vente croisée, audits supervisés par des entités tierces… Des “murailles de Chine” plus solides sont à l’étude.
Ce que disent les experts et analystes
La communauté financière et les cabinets de conseil en stratégie ont largement commenté l’affaire EY.
Analyses économiques et stratégiques
La plupart des experts estiment que le projet était trop ambitieux, trop rapide, et mal aligné avec les intérêts des associés. La rentabilité du conseil, moteur de croissance, était difficilement dissociable de la stabilité apportée par l’audit.
Avis des anciens associés EY
Plusieurs anciens dirigeants ont exprimé leur déception, pointant un manque de leadership global et une communication peu transparente avec les équipes locales. Certains appelaient à un référendum mondial dès le départ.
Point de vue des régulateurs internationaux
Les autorités de surveillance financières ont pris acte de l’échec du projet, mais continuent à appeler à plus d’indépendance dans l’audit. EY reste sous étroite surveillance, notamment au Royaume-Uni.
Ce que cela signifie pour les clients et les jeunes professionnels
La chute d’Everest pose des questions concrètes pour les entreprises clientes et les futurs talents du secteur.
L’impact sur les prestations de services
Malgré l’échec de la séparation, EY conserve une structure intégrée. Cela signifie que les clients bénéficieront encore de synergies entre audit, fiscalité et conseil. Mais certains pourraient exiger davantage de garanties d’indépendance.
Repenser la carrière chez EY et les Big Four
Les jeunes professionnels doivent désormais intégrer ces enjeux dans leur choix de carrière : travailler dans un environnement potentiellement plus instable ou explorer d’autres modèles de cabinets plus spécialisés.
Comment les entreprises clientes doivent-elles s’adapter ?
Les directions financières doivent rester vigilantes sur les enjeux de conflits d’intérêts. Choisir plusieurs prestataires pour l’audit et le conseil devient une bonne pratique à adopter pour renforcer la transparence.
Ce qu’il faut retenir
Le projet Everest d’EY, pensé comme une révolution structurelle dans le monde de l’audit et du conseil, a finalement échoué face aux réalités internes, aux tensions financières et à la complexité organisationnelle. Si cette tentative avortée freine pour l’instant les velléités de scission des autres Big Four, elle a ouvert un débat fondamental sur l’indépendance, la transparence et l’éthique dans un secteur en pleine mutation.
Clients, jeunes talents, régulateurs : chacun doit désormais repenser sa relation avec ces cabinets tentaculaires. Et si la séparation n’est pas pour demain, une transformation en profondeur s’impose, à défaut d’un Everest… vers une montagne plus réaliste, mais tout aussi stratégique.