Savoir écouter, faire preuve d’empathie, capter les signaux faibles : tout cela constitue le socle relationnel du métier de consultant. Mais une compétence reste trop souvent sous-estimée : l’art de poser les bonnes questions. Que ce soit en entretien client, en réunion de cadrage ou en phase de diagnostic, le questionnement est un levier stratégique pour comprendre les enjeux, instaurer une relation de confiance et faire émerger des solutions durables.
Toutes les questions ne se valent pas. Certaines sont utiles pour poser le décor, d’autres permettent d’explorer les systèmes en place, mais seules les plus pertinentes ouvrent la voie à une vraie posture de conseil. Cet article propose une grille de lecture concrète et actionnable pour structurer son questionnement en trois niveaux, avec des exemples à la clé.
Pourquoi le questionnement est central dans le métier de consultant
Le rôle du consultant ne se limite pas à fournir des solutions toutes faites. Il doit d’abord comprendre en profondeur les enjeux du client, ses contraintes visibles et invisibles, ses représentations du problème. C’est par le questionnement structuré que cette compréhension devient possible.
Poser des questions permet de :
- Clarifier les faits et les attentes ;
- Créer une dynamique d’échange constructive ;
- Tester des hypothèses de manière indirecte ;
- Démontrer une posture d’écoute active et d’analyse.
Mais attention : un questionnement mal maîtrisé peut aussi créer de la défiance, diluer l’entretien ou faire perdre du temps. Il s’agit donc de savoir doser, organiser et formuler ses questions avec méthode.
Les trois niveaux de questionnement : une grille d’analyse utile
Dans toute situation de conseil, il est utile de structurer son questionnement en trois niveaux complémentaires, qui correspondent à différentes profondeurs d’analyse et de relation.
Niveau 1 : les questions factuelles (les 5W)
Ce sont les questions de base, essentielles pour comprendre le cadre général d’une situation :
- Qui ?
- Quoi ?
- Quand ?
- Où ?
- Comment ?
Elles permettent une première cartographie des acteurs, des temporalités, des faits clés. Ce sont souvent des réponses courtes, parfois fermées (oui/non).
Exemples :
- Qui valide la décision finale ?
- Quand le projet doit-il commencer ?
- Combien de sites sont concernés ?
- Où en est l’avancement du chantier ?
Ces questions sont utiles en début d’échange, mais doivent rapidement laisser place à des questions plus engageantes.
Niveau 2 : les questions de compréhension (« Comment ça marche ? »)
Le deuxième niveau vise à comprendre les processus, les mécanismes et les modes de fonctionnement internes à l’organisation. Ces questions permettent de contextualiser la situation.
Elles apportent des données précieuses, mais peuvent paraître banales si elles ne sont pas bien formulées. Elles doivent donc être précises, ciblées et ne pas s’éterniser.
Exemples :
- Comment pilotez-vous les projets transverses ?
- Comment les équipes sont-elles mobilisées ?
- Comment sont évaluées les performances ?
Niveau 3 : les questions de sens et de perception (« Pourquoi ? »)
Ce sont les questions les plus puissantes et différenciantes. Elles visent à explorer le sens, les valeurs, les perceptions et les croyances du client. On les appelle aussi questions stratégiques ou questions socratiques.
Elles créent un changement de niveau dans l’échange, un léger décalage qui pousse l’interlocuteur à réfléchir et à sortir de ses schémas habituels. Elles permettent au consultant d’être reconnu comme un partenaire de réflexion.
Exemples :
- Pourquoi ce projet est-il prioritaire maintenant ?
- Qu’est-ce qui fait obstacle au changement selon vous ?
- Quels sont vos critères de réussite ?
- Comment imaginez-vous votre organisation dans 3 ans ?
Ces questions demandent une écoute fine, une bonne prise de notes et une capacité à rebondir avec pertinence.
La question pertinente : levier de légitimité et d’impact
Une question pertinente est une question qui touche juste. Elle est bien posée, bien timée, et surtout, elle fait émerger une prise de conscience chez l’interlocuteur. On la reconnaît souvent à la réaction qu’elle suscite :
« C’est une bonne question… Je ne me l’étais pas posée. »
Ce type de question :
- Crée un climat de confiance durable ;
- Donne de la légitimité au consultant ;
- Fait progresser la réflexion collective ;
- Ouvre des pistes de solutions nouvelles.
Elle n’est pas nécessairement complexe. Parfois, la simplicité apparente cache une grande profondeur. L’important est de viser juste, au bon moment, sur le bon angle.
Méthodologie pour structurer son questionnement
Voici quelques bonnes pratiques pour construire un questionnement stratégique et efficace :
- Préparer son entretien à l’avance : collecter les informations disponibles, formuler des hypothèses, identifier les angles à creuser.
- Doser les trois niveaux : commencer par les faits (niveau 1), passer aux processus (niveau 2), puis ouvrir sur les perceptions et le sens (niveau 3).
- Varier les formats de questions : ouvertes, fermées, alternatives, projectives…
- Écouter activement et rebondir : une bonne question est souvent déclenchée par une bonne écoute.
- Prendre des notes verbatim : les mots exacts comptent pour l’analyse.
Un bon consultant n’est pas celui qui donne toutes les réponses, mais celui qui sait poser la bonne question au bon moment.